It's a competitive world.

□ L'animal qui te représente : Le tigre.  □ Proie ou prédateur : Tantôt nuisible, tantôt en proie, il jongle d'une place à l'autre. Prédateur mis en pâture. □ Tes désirs : Il n'a pas la fantaisie d'un projet vertigineux. Si d'aucuns prétendent à un manque d'ambition ou à une forme de fainéantise de sa part, le concret souligne un aspect plus modeste et sommaire de quelqu'un dont la satisfaction s'acquiert avec pas grand-chose. □ Tics et manies : Fâcheuses tendances à : fumer, ne rien remettre au bon endroit, insulter au volant.

➥ Gray. Quatre lettres en tout et pour tout. Le compte est vite fait, la prononciation est facile, furtive. Presque bazardée, expéditive. Pas d'originalité ou de bizarrerie. Prénom rudement gambergé. Tiré de feu papy Grayson. Bilan d'un baptême vieux de vingt-cinq ans. Bloom s'ajoute. Détail non négligeable. Famille sabotée. Ne voulant plus rien dire. Le nom persiste encore, résiste au massacre. Demeure uniquement par simulacre. Par semblant. Mais la parodie se casse la gueule en slow-motion. Catastrophe inévitable. Le coup de grâce se fait sentir. ➥ Mrs. Arbogast et ses cours barbituriques, sa voix constante et ses expressions revisitées : c'est le pompon sur le gâteau ou encore l'oiseau fait son nid dans la bergerie. Prof de littérature, à deux doigts du cliché, lunettes sur le nez et chignon arrangé au crayon. La tiédeur de ses propos au sujet de son mari, interpellent sans vraiment soulever de questionnement indiscret. Mr. Arbogast et son mea culpa n'ont pas convaincu Mrs. de sa probité. D'une plume aérienne, sans faute ni dyslexie, elle rédige une missive, tout platement, quelques mots assassins écrits en majuscule, avec en post-scriptum une remarque sur le bulletin trimestriel de Jo Ann. Courrier perdu en chemin, maladresse de facteur et sous couvert de curiosité, intéresse une toute autre lectrice. La jeune Pike, treize ans tout juste. Deux ou trois relectures plus tard, elle renferme le maudit papier dans son enveloppe. D'ordinaire, pas vraiment façonnée pour garder un secret, elle juge bon de dissimuler la lettre au trois quart d'un recueil de contes de fée. ➥ La blague n'est jamais à part, ciblant des cœurs fragiles pour se valoriser, humiliant pour exister, faire de sa popularité un motif du plus mauvais style. Livrant son lot de brimades quotidien, elle termine par en perdre la face. D'un seul coup, plus rien, le retour de bâton, une claque monumentale. La maladie. De l'hypertension pulmonaire d'après tout un tas de toubibs. Pire qu'une vacherie, une conséquence. Le karma au centuple. Le petit miroir de poche s'est brisé sur le parquet vieilli du cottage familial, annonçant superstitieusement, sept ans de malheur, c'est parti, elle compte à rebours, Sheila. Le sort s'acharne sur elle, non pas par erreur. Des combats sans limite de temps, lui bissent sont mauvais tempérament. Faisant pénitence d'une autre époque, elle laisse le destin s'occuper de son cas. Sheila paie le prix d'un passé insolent, fait de mépris et d'outrecuidance. Le futur ne récompense que l'audace des braves et non l'aplomb d'une gamine populaire. Sans distinction aucune entre l'être et le paraître, elle ne sait plus se faire valoir, rendue antédiluvienne, et voit le monde parce qu'elle succombe. ➥ Matriculée sur liste d'attente pour une transplantation, elle tient la cadence à forte dose de cachetons. Les années passent et indirectement, Gray Bloom lui livre le poumon d'un donneur compatible. Zach Siddal, 1993-2013, c'est moche, tragique, injuste et pourtant, ça tombe tristement à pic. Brume, frimas, vitesse, petite course improvisée, deux virages et trois tonneaux pour Zach, laissant son concurrent, Gray, prendre la fuite. Le lendemain dans le journal, l'annonce s'abat comme un couperet, les idées claires et l'alcool en moins, ramènent quelques bribes de mémoire. Dix-neuf balais et le monde sur ses épaules, la culpabilité comme camarade. L'œil innocent et le derrière bien ancré au banc des accusés. C'est lui, qui l'a condamné, buté, le pied au plancher. Mais ça, personne ne le sait. ➥ Par adiaphorie la plus totale, il n'aime pas se mêler des histoires se tramant bras dessus, bras dessous dans la vie des autres, et s'intéresse à aucune rumeur gravitant autour du zigoto d'en face. Dans l'absolu, les ragots font tendre l'oreille, le genre humain se pique d'indiscrétion à chaque pet de mouche, Gray, pour sa part, se contrefout des on-dit et bruits de couloir. Cet aspect de la personnalité lui faisant défaut, lui vaut par moment une faible prédisposition à la l'ignorance et fait de lui, le dernier mis au courant d'un secret de Polichinelle. Les têtes bien-pensantes s'accordent à dire qu'un manque de curiosité peut freiner la culture. Par chance, la majorité des cancans et potins n'ont pas réellement de rôle sur l'enrichissement du foyer crânien. ➥ La soif d'être aimé. Le besoin de s'assurer qu'il plaît, que ça soit aujourd'hui ou depuis tout petit, il cligne de l'œil, Gray, fait des courbettes, complimente les egos, les séduit, volontairement ou non, les piège adorablement. Pour parfaire tout cet ensemble obséquieux, il s'habille d'un sourire enjôleur et ça marche. Il obtient, par des tournures de phrase ou des mimiques bien placées, sa seconde Bud gratis, un jean Levi's à -20 % ou une photo avec Kurt Russel. Gray, il sait y faire. ➥ C'est formidable les légumes vapeur, les soins du visage, les huiles essentielles et les clubs de lecture, c'est tendance, chic, hype, ça fait classe d'en parler au brunch dominical, de porter un toast à la nouvelle crème anti-trucmuche. Pour Gray, ça fait surtout gonzesse, il contraste avec tout ça, argue contre, et tient un plaidoyer pour des valeurs moins bel esprit. ➥ Penchant non assumé. Il aime la musique disco, Gray, sans rentrer dans l'adoration, sa culture se limite aux grands titres du genre. Il orne honteusement sa playlist de quelques morceaux de l'ère 'Saturday Night Fever' et des œuvres comme Stayin' Alive. ➥ La théorie, le raisonnement et la critique n'ont jamais fait bon ménage dans sa tête. Il parle toujours en pratique et vire de son esprit toute conjecture fondée sur une connaissance contemplative ou abstraite. Si, l'écrit et le blabla ont pour but de transmettre le savoir, l'acte a le don de transformer chaque notion, de la rendre factuelle et parfois de la conduire au démenti. Bavardage est écume sur l'eau, action est goutte d'or. ➥ Doté d'une aisance particulière à jouer au plus con, Gray, il reproduit toujours par malice, le comportement de l'abruti en présentiel. Cette méthode renferme tout un savoir-faire astucieux, datant de sa fureur de vivre d'adolescent volcanique. Galapiat et iconoclaste, il a par la force du temps, reçu l'assurance et la maturité jointes au package du monde adulte. La sagesse conquérante le soustrait aux sottises infantiles, dont la rémanence le place aujourd'hui dans un état d'esprit plus subtil. Longtemps, il a tapé du poing sur la table face aux diktats et injonctions, revendiquant des causes pour le moins récriminatrices et symbolisant ses actes par des valeurs dont il ignore les tenants et aboutissants, tout ça simplement par esprit de fronde. Gray Bloom a fait schisme de sa jeunesse trépidante pour s'administrer une bonne dose d'accalmie. Il se tient quiet, fait assaut de modestie et de discrétion, rempile peu à peu le statut d'incognito auprès du tout un chacun. L'enfant terrible disparaît, faussant compagnie aux conglomérats de Marie-Jeanne, il se hisse droit dans ses bottes prêt à faire amende honorable et à s'orienter vers un gagne-pain plus conforme. Le temps joue son rôle de médiateur entre Gray et la probité. La force de l'âge a encore du taf à accomplir pour absoudre et blanchir comme neige le premier né des Bloom. ➥ Bloom, ça vient d'ici et de quelque part par là-bas. L'étymologie reste vague, un nom basique, sans grande popularité, juste la présomption de rien. Et pourtant, le lignage s'essaye à faire sa publicité, à chaque tour de rôle une nouvelle prestation, avec pour unique guide, les contre-indications de l'échelon antérieur. La plupart, épigones, forment un rang d'oignons, sans se risquer au-dehors de la ligne directrice. Laisser son empreinte dans l'histoire, peu importe le style, l'art ou la manière de faire, le ressort n'appartient pas aux Bloom, sauf peut-être l'oncle Raynald, mythomane de son actif et véritable chef d'orchestre de l'extrapolation. ➥ Jo Ann, sa petite sœur n'est que demi, fruit de l'adultère, elle en a pas l'air. Le blond de ses cheveux, cette tendance à tout prendre par-dessus l'épaule et une peur bleue des guêpes en surcroît, tout ça, elle le tient de papa. N'empêche que, tout ça, c'est du pipeau. Jo Ann, n'a de Bloom que le nom. Le dessous des cartes se défait doucement, une après l'autre jusqu'à la bonne pioche. C'est plus fort que lui, Gray, il peut se vanter, parader, faire comme si, mais face aux égards et batifolages, bien que jadis, de sa mère, il se force à feindre un quelconque ressentiment. Depuis, il procède par allusions, contourne le sujet avec l'envie farouche de mettre les pieds dans le plat. Les allant de soi vont bon train, sans jamais susciter d'interrogation chez la principale concernée. Il s'entête dans un dialogue de sourds, portant à demi-mot l'accusation sur son interlocutrice, qui, à ce rythme, n'est pas prête à cracher sa pastille. Sheila, lui a fait promettre de se taire. Toutefois, le retour de la famille Arbogast, après douze années, risque de faire diligence, surtout si en parallèle à tout ce micmac, le rejeton Arbogast ramène sa fraise. ➥ Faut les voir s'engueuler, ça ressemble à des mots d'amour. Faut les voir en soirée, la jalousie en catimini. Faut les voir se regarder, ça se noie dans l'eau de rose. Près d'elle, il s'améliore, avec lui, elle vire son étiquette d'altesse. Il canalise ses excès de grandeur, elle le civilise et corrige ses défauts. C'est un véritable quid pro quo, un donnant-donnant correct et honnête. Mais pour que ça marche, elle ne lui dit pas tout. Pour que ça reste merveilleux, elle fait vœu de silence. Pour qu'il reste encore un peu, elle se laisse coi, fait des cachotteries et alourdi le secret. Le pot-aux-roses planqué dans son recueil de contes de fée, se dérobe par contrainte, quitte à le faire fuir. La comédie est terminée, inexpiable, elle a jeté l'aveu aux pieds de son alter-ego, douze ans plus tard, douze ans trop tard. Sheila, elle se défend bec et ongles, malheureusement son sophisme manque de tonus et de conviction. Le cœur chaloupe, fou de rage et d'amour, il en plaque sa belle. La colère lui donne des mots insensés et idiots. Dans sa fâcherie cache son diable bleu, ses sentiments font du remue-ménage, tout se met en pagaille et le pardon se tape des airs de saint-glinglin.

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