□ L'animal qui te représente : sans doute l'ours, un animal solitaire souvent associé au mauvais caractère et la violence si on l'embête un peu trop. Comme le dit l'expression "ours mal léché", Danny a toujours eu du mal à se conformer aux règles de la société et se comportait souvent mal lors des repas de famille lorsqu'il était adolescent.
□ Proie ou prédateur : il a longtemps été le prédateur. Plus jeune, il courrait après les filles sans vraiment se soucier de leurs sentiments et collectionnait les conquêtes comme des trophées. Aujourd'hui, il est devenu plus vulnérable mais tout de même pas au point de devenir la proie de quelqu'un.
□ Tes désirs : recoller les morceaux avec sa famille, dans un premier temps. Retrouver un semblant d'équilibre après ces six derniers mois qui ont été chaotiques. Il n'est pas certain de vouloir poser ses valises pour toujours à Newburry ; pour le moment, il aspire surtout à un peu de tranquillité d'esprit et de retrouver l'envie d'exister.
□ Tics et manies : il fume depuis toujours mais cela s'est aggravé depuis ces six derniers mois. Dès qu'il est nerveux, il allume une cigarette et a l'impression que cela l'apaise, mais ce n'est que temporaire. Il aime écouter de la musique très fort, ce qui a le don d'agacer ses parents depuis qu'il habite chez eux. Lors de son enlèvement en Somalie, il a été blessé à la jambe et a depuis besoin d'une béquille pour se déplacer. Il a également tendance à consommer un peu trop d'antidouleurs mais le cache à sa famille.
When I walk around all of the streets
where I grew up and found my feet,
they can't look me in the eye
it's like they're scared of me. Newburry, 2004«
Tu reviendras souvent, hein ? » Gabriella lève les yeux vers son frère, pleine d'espoir. Ils ont toujours été très proches tous les deux et c'est certainement celle qui souffrira le plus de son absence. Elle lui en veut de partir, il le sait, mais elle ne le dira jamais à haute voix. Elle est comme ça, Gabriella. Elle préfère le regarder avec ses grands yeux de biche, comme si elle espérait le retenir avec son regard. «
C'est peut-être toi qui me rejoindras dans quelques années. » Il prononce ces paroles sans trop y croire cependant. Bien sûr qu'il aimerait que sa sœur vienne le rejoindre à New York lorsqu'elle aura obtenu son diplôme mais il est presque certain que cela n'arrivera pas. Contrairement à lui, Gabriella aime Newburry et a déjà prévu toute sa vie ici avant même de l'avoir commencée. Un peu comme leur grand frère William qui, lorsqu'il avait le même âge que Danny, était déjà père d'un petit garçon. Mais la fratrie Calloway ne comprend pas que ce n'est pas la vie que Danny veut mener : à la simple idée de passer le reste de ses jours à Newburry, il sent son estomac se tordre. Ce qu'il désire plus que tout, c'est partir loin d'ici et parcourir le monde. Il se sent à l'étroit à Newburry, où tout le monde se connaît et il ne supporte plus le regard des gens lorsqu'il refuse de se comporter en gendre idéal. «
Tu sais bien que je n'aime pas trop les grandes villes. L'université de Newburry me convient très bien. »
Mais tu pourrais être tellement plus que ça, Gaby ! Il ravale les mots qui brûlent de sortir de sa bouche et dépose un baiser sur les cheveux de sa petite sœur. Il a tant de rêves pour elle... mais il doit d'abord réaliser les siens. Un jour, peut-être qu'il arrivera à la convaincre du nombre de possibilités qui s'ouvrent à elle. «
Tu vas me manquer. » A nouveau, elle lève les yeux vers lui et le supplie du regard. «
T'as pas répondu à ma question... Tu reviendras souvent me voir, hein ? Promets-le moi ! » Il connaît déjà la réponse à cette question. Avant même d'être parti, il sait que ses études de journalisme vont l'accaparer et qu'ensuite, s'il se débrouille bien, il voyagera dans le monde entier, à la recherche d'aventure et de reportages sensationnels. Il ne reviendra pas mais il ne peut pas se résoudre à l'avouer à Gabriella. Alors, il ment. «
Promis. »
(...)
Somalie, 2017John est mort. Ces trois mots tournent en boucle dans sa tête, comme un disque rayé.
John est mort. John, qui avait une femme et deux petites filles qui le reverront plus jamais. Il voudrait trouver cela injuste mais il ne peut s'empêcher de penser que lui et John ont mérité leur sort. Ils savaient où ils mettaient les pieds, ils savaient pertinemment que la Somalie était un pays dangereux où les ressortissants étrangers risquaient d'être enlevés. Ils le savaient mais ils s'y étaient rendus quand même, se croyant invincibles. Ils avaient été stupides et arrogants, et maintenant, John était mort. Malade depuis des mois, le pauvre avait finalement expiré dans la nuit, en appelant le prénom de sa femme jusqu'à ce que le souffle vienne à lui manquer.
Recroquevillé sur lui-même, adossé contre le mur de cette pièce sans fenêtre, Danny pleure silencieusement. Il pense à Newburry qu'il ne reverra plus jamais et pour le première fois, il sent les regrets l'envahir. Il donnerait absolument tout pour pouvoir serrer une dernière fois sa mère dans ses bras et la supplier de lui pardonner d'avoir été un mauvais fils. Il revoit, comme dans un rêve, le sourire de Lexie et sa main dans la sienne sur la plage de Newburry. Que se serait-il passé s'il n'avait pas lâché sa main ? S'il avait décidé de rester au lieu de fuir une fois encore ?
Il songe à tous les sacrifices effectués pour pouvoir vivre son rêve égoïste. A sa relation avec Gabriella, qu'il a allègrement massacrée sans se douter qu'un jour, il regretterait de n'avoir personne pour lui tenir la main sur son lit de mort. C'est sa punition et il doit l'accepter. D'une main tremblante mais décidée, il essuie les dernières larmes qui coulent encore sur ses joues et enferme son cœur dans un étau pour protéger le peu d'espoir qu'il lui reste.
Si je m'en sors... je te le promets Gaby, je reviendrais à Newburry.(...)
New York, 2019Le téléphone sonne à travers l'appartement. Allongé sur son lit, Danny ne fait aucun mouvement pour aller décrocher. C'est sûrement sa mère qui s'inquiète de n'avoir aucune nouvelle, comme d'habitude. Elle est la seule à ne pas avoir complètement baissé les bras. Lorsqu'elle était à son chevet, à l'hôpital, quelques jours après sa libération, il a bien failli céder et accepter qu'elle reste. Mais très vite, la raison a repris le dessus et il a hurlé les pires horreurs à sa famille pour qu'ils s'en aillent tous très loin et le laissent enfin tranquille. En voyant la pitié dans les yeux de son frère, Danny a tout de suite compris qu'il ne le supporterait pas. Alors il a tout fait pour qu'ils continuent de le détester et peu à peu, les Calloways sont rentrés à Newburry sans demander leur reste.
Bip. Le répondeur a pris le relais. Danny pousse un soupir d'agacement et se redresse, cherchant d'une main hésitante la béquille posée à côté de lui. «
Danny ? » La voix de sa sœur résonne soudain et Danny se raidit. La dernière fois qu'il a entendu la voix de Gabriella, il était allongé sur un lit d'hôpital, l'esprit embrumé par la colère et les médicaments. «
Je sais que tu es là... » Elle semble lasse et fatiguée. «
C'est Will. Il est mort. » Sa voix se brise et elle étouffe un sanglot. Assis sur le rebord du lit, Danny est incapable de bouger, la main crispée sur sa béquille. «
Un accident de voiture. Kate était avec lui, elle... elle est morte aussi. » Danny entend les mots de sa sœur mais ils n'ont pas l'air réels. William, son grand frère, mort ? Cela n'a aucun sens. Will est bien vivant, à Newburry, entouré de sa femme et de ses deux enfants ! «
L'enterrement a lieu lundi matin. Je sais que tu as décidé de nous rayer de ta vie mais s'il te reste un tout petit peu de courage, tu vas prendre le prochain train pour Newburry et rentrer à la maison pour dire au revoir à ton frère. » Un long silence, puis la voix de Gabriella s'élève à nouveau dans le lourd silence de l'appartement. «
Souviens-toi de ta promesse. » Et elle raccroche.