If you see my brother, please tell him I'm fine (Gabriella)

« So give me one shot of whiskey, two lines of cocaine, and tell everyone who I love that I'm sorry but I'm built this way. »

Dans le vide, le téléphone sonne. Une fois, deux fois, trois fois. Le répondeur se déclenche et à l'autre bout du fil, la voix de Gabriella s'élève.

Combien de fois a-t-il entendu ce message pré-enregistré depuis le début de la soirée ? Beaucoup trop de fois, songea Danny sans raccrocher pourtant. Gabriella allait le détester, si c'était encore possible étant donné qu'il connaissait les actuels sentiments de sa petite sœur à son égard. « Ouais... Gaby... c'est encore moi... tu sais, ton frère, le grand méchant de la famille Calloway... » Sa montre indiquait deux heures du matin. Assis sur le ponton de la plage, il profitait enfin d'un moment de calme après une soirée mouvementée. « J'essaye, tu sais... J'essaye vraiment d'être à la hauteur... Mais c'est impossible d'arriver à la hauteur de Will, tu sais comment il était... Le préféré de papa... J'vois bien comment il me regarde maintenant... Il doit être bien déçu d'avoir perdu le mauvais fils... » De là où était William à présent, Danny était persuadé qu'il le regardait avec dégoût. Lui était mort dans un stupide accident et que faisait Danny au lieu de profiter de la vie qui lui avait été offerte, à part boire jusqu'à oublier son propre prénom et se battre avec le premier ivrogne du coin ? Rien. Absolument rien. Et même s'il savait que c'était l'alcool et le chagrin qui parlaient, Danny ne désirait qu'une seule chose ce soir : disparaître. Sauter dans l'océan et se laisser partir à la dérive, jusqu'à tout oublier. « Toi aussi tu dois être déçue... Mais si t'étais partie avec moi au lieu de rester dans cette putain de ville de... » Clic. Le téléphone se coupa brutalement. Plus de batterie. C'était à prévoir, étant donné qu'il avait laissé pas moins d'une dizaine de messages à sa petite sœur. Il allait bientôt le regretter mais encore sous l'emprise de l'alcool qu'il avait ingurgité toute la soirée, il ne pouvait que rire bêtement de la situation. Gaby l'avait supplié de revenir à Newburry, elle allait maintenant regretter de l'avoir sur le dos, c'était certain !

D'un geste mal assuré, il essuya avec la manche de sa chemise le sang séché sur son nez, dernière trace de sa bagarre improvisé dans le club à quelques pas d'ici, et ricana en repensant au crétin qu'il avait presque assommé d'un coup de béquille. Qui aurait cru que ce fichu objet lui serait finalement utile à quelque chose ? Où était-elle, d'ailleurs ? En tâtant le bois du ponton, ses doigts ne rencontraient que du vide, il avait dû l'oublier quelque part dans la ruelle du club. Tant pis, se dit-il en s'allongeant de tout son long sur le ponton, se sentant soudain apaisé. Ses parents allaient être furieux d'apprendre qu'il s'était battu et Gabriella serait sûrement folle de rage en découvrant qu'il avait inondé son répondeur de messages sans queue ni tête mais pour l'heure, il n'avait pas à affronter les conséquences de ses actes. Il pouvait seulement apprécier la fraîcheur de la nuit d'été et regarder les étoiles illuminer le ciel de Newburry. Pour la première fois depuis qu'il était revenu ici, il se sentait en paix. Will, si tu peux m'entendre... je suis vraiment désolé... Il s'était toujours dit qu'en vieillissant, il prendrait le temps de reprendre contact avec son frère mais il avait oublié que le temps pouvait être capricieux et lui prendre tout ce qu'il pensait avoir. Autrefois fier d'avoir parcouru le monde pendant dix ans, il n'en ressentait à présent que de la honte. Honte d'avoir abandonné sa famille sans penser qu'un jour, il aurait cruellement besoin d'elle. Honte d'avoir dit toutes ces horreurs à son frère sans savoir que c'était la dernière fois qu'il lui parlait.

Il se redressa brusquement, pris de nausée. S'il s'était senti euphorique tout à l'heure, il comprenait maintenant que ce n'était qu'une illusion liée aux bières et la tequila. Il attrapa son téléphone, dans l'espoir d'enfin parler à Gabriella mais ce dernier restait désespérément muet. Dans un accès de colère, il le jeta à l'eau avec la sensation qu'il venait encore de tout gâcher.